Théo au Pays des Soviets (1995)

Vous le connaissez certainement, Théo Bické, ce sympathique collègue qui veut occasionnellement aussi voir quelque chose d'autre que toujours le même aéroplane. Un fût plein d'énergie et globe-trotter par excellence. Aussi un homme respecté dans le monde des marcheurs athlétiques de grand fond.  

Au cours des dernières années, il s'est constitué un beau palmarès dans la marche athlétique, plus précisément dans les épreuves de grand fond.
Un court extrait de son palmarès : les 200 km de Chapelle-lez-Herlaimont (1986) en 23 h 47' 52", le Centurion (100 miles/ 161 km) en 18 h 35' 10" (Leicester 1984), les 100 km de Roubaix (1988) en 10 h 50' 14" et la réalisation d'un temps d'exception (19 h 09' 50") dans une chaleur tropicale au Continental Centurion à Rotterdam (1992).
Qui d'entre nous dans l'institution (BNP Paribas Fortis, anciennement CGER) a jamais atteint ce niveau ?

Il est donc normal qu'un tel battant veuille montrer ses compétences dans des régions étrangères et inconnues derrière le Rideau de fer, en particulier dans l'ex-Union soviétique.

Europe 

À sa manière modeste, Théo est un défenseur important de l'idée pan-européenne. Certainement pas un hâbleur ! Dans le contexte des développements politiques et économiques en Europe au milieu des années 90, il a même fondé une association sans but lucratif "Europe sans Frontières". L'intention était de promouvoir les contacts multiculturels entre l'Europe de l'Est et l'Ouest par le biais du sport pédestre.
L'association a également organisé des échanges de jeunes et de culture entre l'ancien bloc de l'Est et le Benelux. Mais revenons sur nos pas, à cette fameuse randonnée : 

Projet Bruxelles – Moscou 

Pour la promotion de cette bonne cause de solidarité européenne, un projet sportif "Bruxelles-Moscou" a été initialement mis sur pied. Théo parcourrait la distance totale de 2.800 km en quelque 50 jours. Mais par sa fonction de responsable à la Caisse de Retraite et du fait qu'il est également un battant sur le plan professionnel, il ne pouvait pas se permettre une absence de 2 mois.  Et l'intervention du Premier ministre Jean-Luc Dehaene lui-même n'y fit rien. 
Mais grâce à d'excellents contacts en Russie qui avaient été établis principalement lors de l'échange d'étudiants, Théo a rapidement inventé un itinéraire alternatif plus court. En peu de temps, Vladimir Ivchin, professeur à l'institut de langues NIVA de Moscou, a tracé un itinéraire de 1.100 km, de Brest-Litovsk en Biélorussie jusqu'à la place Rouge à Moscou. 

Brest-Litovsk (Biélorussie), le 30 avril 1995

Un point de départ historique, juste à la frontière polono-biélorusse, où le traité de paix entre Lénine et les puissances européennes centrales avait été signé en 1918.  
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Biélorussie a été très durement touchée : 1/3 de la population a péri.
C'est au pied du monument colossal, érigé à la mémoire des millions de victimes de GM II, que Théo a entamé hardiment son aventure sportive. Et le voilà parti pour le Kremlin, plus de 1.000 km plus loin, sous le regard passionné des médias locaux.

Un marcheur audacieux

Actuellement, il est admis que les campagnes assez désertes et les vastes plaines russes, somptueuses, ne sont plus aussi sûres pour les étrangers que dans le temps passé du communisme.  Pour autant naturellement qu'on pouvait tout simplement traverser le pays librement…

Pour réaliser ce projet audacieux dans un pays où les routiers occidentaux n'osent traverser le pays qu'en colonnes, Théo se laissait sagement accompagner par trois autochtones : Evguéni Zernov et Oleg Kokcharov, tous deux professeurs de mathématiques à la Faculté de mécanique de Moscou et Roman Morzakov, étudiant à cette même faculté. 

Chaque matin, ils partaient avec la voiture, une Volga, vers un marché local, quelque part dans la campagne, pour se procurer des produits alimentaires. Lors du passage d'un poste de contrôle en cours de route, les autorités locales ont été prévenues pour régler les formalités relatives aux contrôles d'identité et à la sécurité.
Et à la fin de l'après-midi, ils se rendaient au prochain lieu d'étape pour chercher une nuitée convenable.  
De plus, ils ont fait honneur à leur profession de mathématicien en mesurant avec précision la longueur de chaque étape pour les annales.    

Expériences                         

Le seul avantage d'une randonnée à travers la Russie, c'est qu'on peut difficilement s'y perdre. Une interminable route, rectiligne du début à la fin. Les villages et les villes s'égrènent tout le long de cette route.

Et puis, "Parfois dur, dur garcon !". Ces tronçons désespérément rectilignes n'en sont que plus monotones. Sans parler du revêtement ! Pour assurer un bon écoulement des eaux pluviales, des routes convexes ont été construites et de ce fait, après des jours d'effort physique, tu surcharges tes ligaments, même si tu es entraîné. Et inutile de chercher le bord de la route, car là tu trébuches sur des cailloux et des morceaux d'asphalte.
Et puis le temps ! Ça variait du très chaud au très froid. Il y avait aussi quelques jours de pluie avec plus de 10 l d'eau par mètre carré. En soi, ce n'est pas tellement grave quand tu disposes d'une résistance et d'une capacité de récupération suffisantes. Mais si tu dois t'installer à ton arrivée dans une tente humide au beau milieu d'un bois et que tu doives t'endormir en compagnie d'un essaim de moustiques agressifs, alors c'est beaucoup plus éprouvant. Heureusement, cela n'a certainement pas toujours été le cas.         

Généralement mes accompagnateurs avaient veillé à ce que je puisse passer la nuit dans une izba, petite maison en bois de sapin où vivent des paysans russes. Là, j'ai été accueilli très simplement par le propriétaire d'une manière chaleureuse et familière.
C'est ainsi que j'ai pu faire connaissance de la gentillesse et de l'hospitalité de la population rurale russe. Mais du fait de cet accueil cordial, je ne pouvais pas quitter ces gens de bon coeur au point du jour.
D'abord, un copieux petit déjeuner m'était offert par la maîtresse de maison ("hazaïka" en russe). Je le partageais avec le maître de maison ("hazaïn" en russe) et mes 2 accompagnateurs. Après un adieux émouvant, je pouvais alors reprendre la route vers 9 heures du matin. Une heure de départ  assez tardive pour parcourir un trajet supérieur à 60 km !
Bon, je peux bien dire que, surtout les derniers jours, j'ai atteint la moyenne journalière d'environ 64 km au caractère, mais aussi grâce à ma bonne condition par laquelle je pouvais maintenir une vitesse de base relativement élevée."                  

Moscou "Place Rouge", le 15 mai 1995 

"Je ne vais pas prétendre que je suis arrivé épuisé à Moscou, mais les derniers jours furent cependant laborieux. Heureusement, la réception dans la capitale russe fut grandiose. Escorté par une ceinture de policiers motorisés, j'arrivais à cette belle place Rouge historique où des étudiants de Zagorsk m'ont accueilli avec enthousiasme. Et la presse aussi était au rendez-vous. Un grand moment d'émotion !

Bref, ça en valait vraiment la peine. Et pourquoi pas Bruxelles – Moscou ? Mais avant toute décision, il me faut d'abord remettre les choses à plat, peser posément le pour et le contre.
Nazdarovje ("santé" en français) !

Vous allez bien, camarade.

A. Dhooms 
Collègue ex-CGER Fortis / Service Publicité
 

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